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Bretoncelles : une paroisse du Perche du XVII au début du XIX siècle.
2 mars 2017

Mourir à Bretoncelles au XVII e XVIII e siècle. 1ere partie

Au même titre que leurs contemporains, les bretoncellois et bretoncelloises sont régulièrement confrontés à la mort. Elle est présente à travers la terrible ponction effectuée sur les enfants et la succession des funérailles qui en découlent, plusieurs par jour en période de crise. Elle s’inscrit aussi dans le paysage avec le cimetière paroissial, « lieu ouvert qui est à la fois l’objet du respect de tous et un lieu de vie… »[1] A Bretoncelles, il est situé près de l’église, au cœur du bourg. Elle envahit aussi le paysage sonore avec le glas, l’espace public avec les processions des frères de la charité.

La  familiarité avec la mort.

 Dans un encadré portant ce titre, Mme Beauvalet-Boutouyrie reproduit un extrait du livre de raison de Joseph Bastide publié par Michel Vovelle. [2] Intitulé « Extrait des enfants que Dieu nous a donné entre ma femme Valérie Origet et Joseph Bastide »[3] il présente les onze naissances issues du couple et le devenir des enfants, 8 moururent, le plus âgé ayant 6 ans. Cette familiarité avec la mort, on la retrouve à Bretoncelles, comme partout ailleurs en France, on peut l’appréhender à travers le tableau ci-dessous.

Ce dernier n’a pas valeur de statistique, son but est d’illustrer, à travers des exemples, une tragique réalité.

 

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Les couples concernés se sont mariés entre 1740 et 1783, comme l’indique la légende du tableau. Nous avons, afin d’exploiter nos relevés effectués dans les registres paroissiaux de Bretoncelles, utilisé, du mieux que nous avons pu, la méthode de la reconstitution des familles mise au point par Louis Henry. [4] Il nous semble nécessaire de la présenter ici car elle nous a permis d’étudier plusieurs aspects de la démographie bretoncelloise. Nous reprenons la description qu’en donne Mme Beauvalet-Boutouyrie. « La reconstitution des famille est opération longue et souvent ardue. Elle nécessite le dépouillement exhaustif  sur fiche de tous les actes de baptêmes, mariages et sépultures d’une paroisse, le principe étant de rassembler, en partant d’un mariage, l’ensemble des informations (naissances, décès, remariages) qui concernent les époux et les enfants issus de leur union… »[5] Les renseignements obtenus permettent de constituer pour chaque couple des fiches de famille et de « retracer l’histoire des couples ».[6]  Nous renvoyons à l’ouvrage de Mme Beauvalet-Boutouyrie pour ce qui concerne le champ des études que permet cette méthode. Les deux principaux écueils que rencontre cette méthode se trouvent d’une part  dans la qualité des registres paroissiaux, d’autre part dans la taille des paroisses qui ne doivent pas être trop petites ni surtout trop grandes. En effet, même avec les moyens informatiques, la masse des données à collecter et traiter devient vite problématique. Enfin comme le signale Mme Beauvalet-Boutouyrie, « la reconstitution a l’inconvénient de privilégier les familles stables. »[7]

Mesurer la mortalité.

« Du fait du sous enregistrement, la mortalité est le domaine le moins bien connu de la démographie historique. L’enregistrement des décès d’enfants ne commence véritablement qu’en avril 1667 avec le Code Louis […], mais ce n’est pas avant le XVIII e que les données deviennent plus nombreuses et plus fiables. »[8] 

La mortalité des enfants

Le sous-enregistrement des décès concerne en particulier l’enregistrement des enfants mort-nés, des ondoyés-décédés estimés en général à 3 % mais parfois plus. A Bretoncelles, pour la période étudiée ce taux est de 1,36 % soit beaucoup moins.[9] Le non enregistrement des enfants décédés les premiers jours suivant la naissance est aussi à prendre en compte. In fine, d’après une étude de l’INED concernant l’ensemble de la France, on a pu évaluer le sous-enregistrement entre 15 et 20 % pour la France du nord.[10] Les démographes possèdent des outils pour mesurer le sous-enregistrement, leur mise en place dépassait nos possibilités. [11]

La mortalité infantile

La mortalité infantile concerne les enfants décédés  avant l’âge d’un an. En gardant à l’esprit les restrictions portant sur le sous-enregistrement, nous avons procédé au calcul du taux de mortalité infantile, c’est à dire le rapport entre le nombre d'enfants décédés à moins d'un an et l'ensemble des enfants nés vivants, [12] ce taux s’exprimant en pour mille.

 

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La hausse de la période 1700-1749 est probablement liée à un meilleur enregistrement des enfants mort-nés, des ondoyés-décédés, des décès les premiers jours suivant la naissance. Nous avons effectué une comparaison avec la paroisse de Tourouvre-au-Perche étudiée par Hubert Charbonneau.[14] Nous avons repris les périodes et les chiffres publiés par Mme Beauvalet-Boutouyrie. [15]

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Bien que les deux paroisses présentent des tailles proches, on constate des différences notables probablement liées  aux circonstances locales. La mortalité bretoncelloise de la première période était certainement plus élevée à cause du sous-enregistrement déjà évoqué.

La mortalité endogène et exogène.

La mortalité endogène concerne les décès du premier mois.« On range parmi les causes endogènes, les affections liées  à la prématurité, à la débilité congénitale et aux malformations, ainsi que les lésions et les accidents de l’accouchement » Perçue comme biologique, il ne faut pas perdre de vue, comme le signale Mme Beauvalet-Boutouyrie « qu’elle est en relation étroite avec l’environnement social, économique et culturel du moment, et que cet environnement agit sur la mortalité. » Elle poursuit en citant comme facteurs conditionnant le destin du nouveau-né : l’état de santé de la mère, son alimentation, son activité prénatale, les soins reçus ou non pendant sa grossesse et bien sûr le déroulement de l’accouchement. Tous ces éléments ont une incidence sur le bon développement du fœtus et le pronostic de survie de l’enfant. Ce que l’on connaît des conditions de vie des populations de cette époque, en particulier dans le milieu qui nous intéresse permet de comprendre que la mortalité de la première semaine et du premier mois est particulièrement terrible. Elle est estimée entre 5 et 7 % dans la première semaine alors que celle du premier représente près de la moitié de la mortalité infantile rappelle Mme Beauvalet-Boutouyrie.[17] La mortalité exogène, post natale,  concerne, elle, les décès d’un mois à un an, et trouve son origine dans les maladies respiratoires et la malnutrition. A Bretoncelles, les taux de mortalité infantile sont les suivants :

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Les naissances gémellaires : un risque supplémentaire.

« … dans les conditions de l’époque, toute grossesse pathologique induit un risque  supplémentaire, on le voit nettement avec l’effroyable mortalité des jumeaux. » [22] Nous avons pour Bretoncelles repéré entre 1700 et 1792, 79 naissances gémellaires soit 158 nouveau-nés. Nous connaissons le devenir de 112 d’entre-eux soit 70,8 %. 8 ont été ondoyés, 62 ont vécu jusqu’à sept jours inclus. Parmi eux, 20 sont décédés le  1 er jour, 11  le 2 eme jour, 9 le  3 eme jour. 21 n’ont pas atteint l’âge d’un mois, 13 autres celui d’un an et 7 celui de 5 ans.[23] De fait, 54,3 % des jumeaux dont la date de décès est connue, n’ont pas vécu plus de 7 jours, 57,5 n’ont pas dépassé un mois. Nous avons trouvé un cas de naissance triple, aucun des trois enfants n’a survécu de même que Louise Tomblaine leur mère .[24]

Une première naissance mortifère ?

 Il nous a semblé intéressant d’apprécier la mortalité infantile en fonction du rang de naissance. Il semble acquis, même de nos jours, que les risques liés à l’accouchement sont plus importants chez une primipare. Etant donné les conditions de vie des femmes de cette époque, en particulier à la campagne, la naissance du premier enfant devait être potentiellement plus compliquée. Nous n’avons pas mené une recherche aussi poussée que M. Charbonneau dans son étude sur Tourouvre –au-Perche.[25] A partir d’un panel de 204 femmes ayant convolé entre 1740 et 1792 et ayant eu au moins 4 enfants, on constate que 25,2 % de leur  enfant du premier rang sont décédés avant l’âge d’un an. Les taux s’établissent à 16 % pour le deuxième rang, 11,1 pour le troisième et 11,6 % pour le quatrième. Ces chiffres sont en phase avec les propos de Mme Beauvalet-Boutouyrie  qui note « Il existe une surmortalité des premiers nés qui tient au fait que pour la mère, le premier accouchement est toujours le plus difficile ; de plus sa longueur est cause de souffrance fœtale qui ajoute un risque supplémentaire. » [26] Nous n’avons pas mis en corrélation les données portant sur les rangs des décès et l’âge de la mère. Cette dernière a été mise en évidence par M. Charbonneau pour Tourouvre-au-Perche : « On observe une baisse de la mortalité infantile des premiers nés lorsque l’âge de la mère s’accroit. » [27]

Evolution de la mortalité entre 1 et 10 ans

 Comme l’atteste le graphique, la mortalité des enfants diminue peu à peu jusqu’à l’âge de 10 ans. On constate que jusqu’à 6 mois, il meurt plus de garçon que de fille, le rapport entre les deux sexes étant équilibré ensuite. Entre 1640 et 1792, près de 37 % des enfants nés meurent avant l’âge de 10 ans. Si l’on garde à l’esprit le sous enregistrement de la période  1640-1699 et l’absence de  données pour les 40 premières années du XVII e siècle, on peut envisager que « la terrible formule de Pierre Goubert selon laquelle il faut deux enfants pour faire un adulte » [28] peut s’appliquer à Bretoncelles pour le XVII e et XVIII e siècle.

 

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La mortalité des nourrissons.

La réputation du Perche comme terre nourricière est attestée. Il ne semble pas que Bretoncelles soit une terre d’allaitement des nourrissons étrangers à la paroisse.  Nous avons relevé 60 décès de nourrissons entre 1700 et 1792. Les années 1740 -1759 sont les plus mortifères avec 29 inhumations de même que la décennie 1780-1792. Parmi les différents cas rencontrés, citons celui de Pierre François Chapelle, fils d’un maître jardinier du faubourg St Honoré à Paris qui décéda chez Marie Françoise Rouland le 30 décembre 1786.[29]

Une baisse de la mortalité difficile à obtenir.

 Les historiens démographes ont constaté que la mortalité des enfants reste élevée durant le XVIIIe  siècle et qu’il faut attendre le suivant pour enregistrer une baisse conséquente. A Bretoncelles, même si l’on constate une baisse de la mortalité des enfants de moins de 10 ans au cours des périodes trois séquences chronologiques retenues, le niveau de la période 1750-1792 reste très élevé. Cette difficulté à obtenir une chute significative de cette mortalité trouve son explication, à la campagne,[30]   dans des facteurs comme le climat, la topographie, le régime alimentaire. Les conditions d’habitat [31] : froid, humidité ou la qualité des vêtements influent sur la présence ou l’absence de germes pathogènes, la fréquence et le gravité des affections.[32] Il est à noter que ces causes sont communes à tous les groupes sociaux, « Dans les campagnes, les études montrent que la probabilité de survie au sortir de l’enfance ne varie pas beaucoup d’un groupe social à l’autre … » [33].Notre fréquentation des registres paroissiaux nous laisse aussi cette impression.[34] A titre d’exemple Antoine Verdier, chirurgien et  son épouse Jouvet Marie Claire ont vu 4 de leurs 7 enfants mourir avant l’âge de 10 ans.

La mortalité des adultes.

« La mortalité des adultes n’est pas plus facile à mesurer que celle des enfants. Les migrations la rendent difficile à saisir, et les historiens, pour bien la mesurer, se heurtent à une difficulté majeure : l’absence de listes nominatives de recensement. » [35] Ces limites posées, voici les éléments que nous pouvons présenter sur ce sujet.

 

Quelques aspects de la mortalité des adultes bretoncellois.

Les données suivantes portent sur l’âge au décès. Trois graphiques illustrent ce propos. Ils présentent la ventilation des décès au-delà de 10 ans, par sexe. N’oublions pas que les âges notés par les prêtres ne sont pas précis, eux mêmes notant à la suite du nombre d’années « ou environ ». Cependant, la ventilation par tranche de 5 ans permet de remédier en partie à ce problème. La période 1640-1699, soit les soixante dernières années du XVII e  sont à prendre avec précaution, si la crainte d’un sous-enregistrement chez les adultes est moins grande, le nombre d’âge non renseigné, 12,5 % reste substantiel.[36]

 

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 On constate une surmortalité féminine dans les tranches allant de 20 à 44 ans liée aux décès en couche et suite de couche. La période première moitié du XVIII e siècle, présente un taux de non renseigné de 6,7 %. La surmortalité féminine de la tranche 40-44 est particulièrement marquée. Nous ignorons pourquoi.

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La seconde moitié du siècle comporte un taux d’inconnu de 4,5 %.

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La répartition des décès entre homme et femme dans la tranche 20-39 ans sous-entend-elle de meilleures conditions d’accouchement ? La longévité des femmes par rapport aux hommes semble s’affirmer ainsi qu’une augmentation du nombre de vieillards.

 

Une mortalité adulte en baisse à la fin du XVIII e siècle.

Les historiens démographes  constatent une baisse de la mortalité adulte au XVIII e  siècle. Elle se traduit par un nombre des naissances qui excède celui des décès.  Les études montrent que l’espérance de vie s’améliore. « …passé la période difficile de la petite enfance, on a des chances de mourir vieux. » [37] . On constate une augmentation du nombre des vieillards conséquence de l’allongement de la durée de vie. Qu’en est-il pour Bretoncelles ? L’excèdent des naissances sur les décès est attesté [38] . En ce qui concerne la hausse du nombre des vieillards, nous nous sommes inspirés de l’étude de Pierre Goubert sur le Beauvaisis.[39] Il s’agit de calculer le pourcentage de « sépultures de vieillard par rapport aux sépultures adultes. » [40]. Les limites des ces calculs sont présentés par l’auteur, nous y renvoyons.[41] Les vieillards concernés sont  les plus de 59 et les plus de 69 ans. Nous avons pris comme limite pour les adultes, 20 ans et au delà. Trois périodes chronologiques du XVIII e siècle ont été retenues.[42]

 

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On constate qu’au cours du XVIII e, la proportion de vieillards augmente régulièrement. Quelle était la proportion d’habitants âgés de plus de 60 ans à Bretoncelles, nous l’ignorons. Elle était d’après Louis Henry de 7 % pour l’ensemble de la France à la fin du XVIII e siècle.[43] Au cours de nos dépouillements, nous avons relevé 45 personnes décédées à 90 ans et plus. Même imprécis de quelques années, l’âge canonique au décès de ces habitants ne fait aucun doute, on pouvait vivre très vieux à Bretoncelles même au XVII e.  Ainsi Jehanne Boullaye ? aurait atteint l’âge de 100 ans à sa mort le 24 mars 1649,[44] Toussaint Branchard, 90 ans le 22 mars 1709.[45] Quand à Mathurin Hamard « cent ans et plus selon la dire de plusieurs » le 17 août 1641. [46] 

Le mouvement saisonnier des décès.

« Le mouvement saisonnier des décès varie fortement d’une année à l’autre, et les accidents météorologiques ou les poussées épidémiques le rendent difficile à interpréter » signale Mme Beauvalet-Boutouyrie. [47] Néanmoins le rapport entre le nombre de décès et la température est prouvé, les mois d’hiver présentant des indices de mortalité plus élevés. Le graphique ci-dessous présente le mouvement saisonnier des décès à Bretoncelles entre 1640 et 1792. Les résultats sont représentés par des nombres proportionnels.[48]

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La corrélation entre température et mortalité est claire. Partant d’un minimum en août et septembre, le nombre des décès augmente régulièrement pour atteindre un maximum en avril avec les affections respiratoires puis redescendre.  Si l’on ne décèle pas de variation liée au sexe, il n’en est pas de même en ce qui concerne l’âge. Chez les enfants de moins d’un an « les mois de janvier à mars et, secondairement, les mois de fin d’été (août, septembre et octobre sont les plus meurtriers. » [49]Le graphique portant sur les petits bretoncellois décédés à cet âge entre 1700 et 1740 le confirme. Au delà d’un an, pas de changement pour les enfants hormis une accentuation de la mortalité de la fin de l’été due aux maladies digestives. Chez les adultes de plus de 60 ans, « trois décès sur cinq surviennent en saison froide de novembre à avril. »[50] Cela se vérifie à Bretoncelles où sur la période de 1700 à 1740 nous avons relevé 66 % des décès entre ces deux mois.

Les causes de la mort

 Nous disposons de peu de renseignements sur les causes de décès, nous avons évoqué les maladies respiratoires, digestives, on peut y ajouter les fièvres. En lisant les registres paroissiaux, on est parfois confronté à des pages entières d’inhumations qui évoquent de probables épidémies mais malheureusement les prêtres bretoncellois ne disent rien sur les causes de ces pics. Néanmoins, nous ne sommes pas totalement privés de renseignements, certains décès ont suffisamment interpellé les desservants pour qu’ils en notent les raisons. Les exemples qui suivent non pas valeur de statistiques.

 Des morts soudaines.

Certains décès, inattendus, les prêtres notent « subitement » semblent avoir choqué suffisamment pour qu’elles soient indiqués. C’est par exemple Jean Surcin fils de Claude, âgé de 30 en 1695,[51] ou Marie Magdeleine Moutiers veuve de Pierre Goulet âgée de 40 ans en 1790. [52] Jeanne Barbu, femme de Jean Ferré journalier à la Godefraise meurt subitement  à 72 ans chez sa fille aux Boullais en 1786.[53] Peut-être alors qu’elle lui rendait visite. Marie Louise Coignard fille de Pierre, bordager décède au Croc du bois chez son oncle en 1782. [54] Pour ces différents cas, nous ignorons les causes. D’autres morts soudaines sont mieux renseignées. Louis Guillin, âgé de 22 ans meurt « subitement d’une appoplexie et de langueur ? » en 1641. [55] Jacques Marchand sans que l’on s’y attende d’une colique à 21 ans. [56]En 1645, c’est Tanneguy du Grenier, escuyer, sieur de Boiscorde qui âgé de 77 ans « mourut subitement d’une appoplexie ou d’abcés ? » [57]

Des morts par accidents.

Les morts accidentelles ne sont pas rares dans les campagnes bretoncelloises. Le premier exemple est probablement lié a une activité de bûcheronnage, elle concerne un jeune homme de 15 ans, Mathurin Plè, originaire de Condé-sur-Huisne, peut-être domestique dans une ferme, il meurt « écrasé sous une trogne de chesne » [58] . C’est le même type d’accident qui coûta la vie à Toussaint Lejeune, âgé de 23 ans, « ayant été blessé d’une branche d’une trogne, laquelle l’ayant coupé tomba sur lui » [59]Quand à Jean Mesle, dont nous ignorons l’âge, se tue en chutant d’un pommier.[60] C’est le même type d’accident qui est à l’origine du décès de Pierre Clouet, fermier laboureur de 38 ans, « trouvé mort près de la Planche de Donette, en ce chemin sur les deux heures de l’après midi. » L’examen de son corps par les officiers de la justice de Bretoncelles ne trouve pas « d’autre cause à sa mort, que du sang se trouvant dans le cerveau par une chute antécédente. » [61] Il est fort probable que les accidents du travail  mortels devaient être plus courants que les traces laissées dans les registres paroissiaux. Deux autres risques étaient présents : l’incendie et la noyade. Les moyens de chauffage et d’éclairage d’une part, cours d’eau, biefs des moulins, mares et étangs étaient potentiellement dangereux surtout pour les jeunes enfants. C’est ainsi que François Bodin, âgé de 10 ans « a été trouvé mort noyé par accident sur les onze heures du matin » [62] et que l’on peut inhumer « qu’une partie du corps de Marie Mercier (4 ans) qui a été brulée dans un ambrassement arrivé par accident » [63] Néanmoins, les accidents par noyade ne sont pas réservés aux enfants, Michel Hallet, chirurgien de Bretoncelles, meurt à 74 ans « ayant été trouvé noyé le vendredi matin »[64] Une catégorie de décès par accident se rencontre dans les registres, celles consécutives à la présence d’armes dans les maisons.  En 1658, Louis Dupont est tué « d’un coup de fusil dans la maison du Sr lieutenant de ce lieu et ce par un malheur inopiné », [65] il était âgé de 26 ans. Louis Lheureux  meurt à 15 ans « tué par accident d’un coup de pistolet » [66].  Quant à François Darreau, c’est suite à une blessure à la cuisse d’un coup d’épée qu’il  meurt à 35 ans.[67]

 Mourir à la suite d’une agression.

Les chemins du Perche étaient-il dangereux ? Ce questionnement n’est pas de notre ressort, nous avons cependant relevé quelques cas de décès suite à des agressions. Le premier n’est pas certain mais le doute est permis. Il s’agit de Jacques de Courna ? sieur du Hamel décédé à 36 ans le 17 janvier 1699 « ayant été tué  d’un coup de fusil dont il est mort le dit jour vers 5 heures du matin. » [68] Plus de certitudes pour Gilles Gaillard, 55 ans « blessé à mort sur le chemin revenant de moustier » [69] ou Christophe Libot  qui « fut tué et assassiné revenant ? du marché de la Louppe » à 70 ans. [70]

Mourir loin de chez soi.

 Les registres paroissiaux de Bretoncelles comportent un certain nombre d’actes d’inhumation concernant des personnes n’habitant pas la paroisse. Gens de passage comme Louise Chevallier, on pense que c’est son nom, âgée de 70 ans elle « parcourt les environs en vendant des allumettes ». [71] Autre circonstance, cette femme revenant d’un pèlerinage à St Hubert des Ardennes et rentrant à Laval, dont le fils Pierre meurt à Bretoncelles à l’âge de 6 semaines. [72] On peut dans le même registre évoquer le cas de François Cellier fils d’un marchand épicier de Paris confié à une nourrice. Cette dernière, sur le chemin de son domicile à Argenvilliers s’arrêta à l’auberge St Pierre dans le bourg de  Bretoncelles pour y passer la nuit. Le lendemain matin, elle trouva le nourrisson mort à ses côtés. L’enfant fut inhumé à Bretoncelles sur ordre des autorités le 3 décembre 1786.[73] De passage aussi, des mendiants, comme ce pauvre homme de 60 ans, originaire du diocèse de Sées dont on ignore le nom [74] ou cet autre «  que l’on dit s’appeler Rogue », on le dit de Nogent ou des environs, il meurt de maladie à 45 ans chez Jean Garnier, laboureur.[75]   D’autres sont des migrants économiques comme  Jean Guyot, scieur de planches [76] et Pierre Ferie scieur de long, tous deux originaires d’Auvergne, le second venant de Blois. [77] Des bretoncellois meurent aussi loin de chez eux, Jean Fontaine dit Oui meurt à la Conciergerie du palais à Paris. [78] Charles Marchand dit l’advocat est inhumé à St Croix l’une des paroisses de St Denis en France décédé suite de maladie.[79]

Dans la grande majorité des cas évoqués ici, la mort frappa sans laisser beaucoup de temps pour s’y préparer. Dans un prochain article, nous éloignant de l’aspect statistique,  nous essaierons, entre autre,  de savoir comment les bretoncellois et bretoncelloises appréhendaient ce moment.

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Scarlett Beauvalet-Boutouyrie  La population française à l’époque moderne démographie et comportement  Belin Sup Histoire 2008, p 333

[2] Op.cit. p 312

[3] Michel Vovelle.  Mourir autrefois. Attitudes collectives devant la mort aux XVII e et XVIIIe siècles.  Paris, Gallimard, coll, « Archives » p 174, p 20-22.

[4] Louis Henry et Michel Fleury : Des registres paroissiaux à l’histoire de la population. Manuel de dépouillement et d’exploitation de l’état civil  INED, Paris 1956.

[5] Op.cit. p 41-44

[6] Ibib.,

[7] Ibib., Par exemple, un bordager ou un laboureur qui prend pendant quelques années un bail dans la paroisse voisine peut très bien dans ce laps de temps avoir des enfants qui naissent ou décèdent, ces renseignements nous échappent.

[8] Op.cit. p 309

[9] Les taux vont de 2,3 % pour la décennie 1640-1649 à 0,5 pour celle de 1680-1689.

[10] Ibib.,

[11] Nous reprenons en partie le paragraphe publié sur ce blog dans notre article  Bretoncelles au XVII è et XVIII è siècles : quelques éléments de démographie.

[12] Définition I.N.S.E.E. http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/taux-mortalite-infantile.htm

[13] Il s’agit de quotients non corrigés.

[14] Hubert Charbonneau, Tourouvre-au-Perche aux XVII è et XVIII è siècle Etude de démographie historique. Institut national d’études démographiques Travaux et Documents cahier n° 55 Presse universitaire de France.

[15] Op.cit. p 310

[16] Il s’agit de quotients non corrigés pour le XVIIe siècle.

[17] Op.cit. p 311

[18] Il s’agit de quotients non corrigés.

[19] La hausse de 1700-1749 s’explique probablement par un meilleur enregistrement.

[20] Il s’agit de quotients non corrigés.

[21] La hausse de 1700-1749 s’explique probablement par un meilleur enregistrement.

[22] Op.cit. p 311

[23] Un est décédé à 29 ans.

[24] 28/12/1695 - 30/12/1695 B.M.S 15/2/1692-22/2/1696 3NUMECRP61/EDPT493_33 A.D ORNE http://archives.orne.fr

 

[25] Hubert Charbonneau, Tourouvre-au-Perche aux XVII è et XVIII è siècle Etude de démographie historique. Institut national d’études démographiques Travaux et Documents cahier n° 55 Presse universitaire de France p 178 et suivantes.

[26] Op.cit. p 314

[27] Op.cit. p 181

[28] Cité par Mme Beauvalet-Boutouyrie Op.cit. p 312.

[29] 31/12/1786 B.M.S 21/1/1786-31/12/1786 3NUMECRP61/EDPT493_43_1 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[30] D’autres facteurs entrent aussi en ligne en milieu urbain.

[31] Le 22 mars 1709 Jean Hamelin âgé de  13 mois, fils de Jacques, charbonnier et Marie Fromentin demeurant dans les bois de Saussay est inhumé. Quelles étaient les chances de survie de cet enfant en bas âge, dans une loge de charbonnier, en plein mois de mars ? B.M.S 1702-1709 3NUMECRP61/EDPT493_35_2  A.D ORNE http://archives.orne.fr

[32] D’après Mme Beauvalet-Boutouyrie Op.cit. p 312

[33] Ibib.,

[34] Nous n’avons pas mené d’étude statistique sur ce point, M. Charbonneau constate à Tourouvre-au-Perche à propos de la mortalité des enfants une « absence d’inégalité sociale devant la mort … » Op.cit. p 172

[35] Beauvalet-Boutouyrie Op.cit. p 316

[36] Il porte sur l’ensemble des décès de 0 à 90 et plus, il  concerne souvent les jeunes enfants mais pas uniquement.

[37] Beauvalet-Boutouyrie Op.cit. p 318

[38] Voir ce blog :  Bretoncelles au XVII è et XVIII è siècles : quelques éléments de démographie.

[39] Citée par Mme Beauvalet-Boutouyrie Op.cit. p 319

[40] P. Goubert Cent mille provinciaux au XVII e siècle, Champs Flammarion 1968, p 86

[41]  Ibib.,

[42] Les données concernant le XVII e et les premières années du XVIII e ont été écartées car présentant trop d’âge non renseigné.

[43] Beauvalet-Boutouyrie Op.cit. p 319

[44] Sépultures  29/3/1640- 23/4/1651 3NUMECRP61/EDPT493_18 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[45] B.M.S 1702-1709 3NUMECRP61/EDPT493_35_2  A.D ORNE http://archives.orne.fr

[46] Sépultures  29/3/1640- 23/4/1651 3NUMECRP61/EDPT493_18 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[47] Beauvalet-Boutouyrie Op.cit. p 317

[48] « Il n’est pas possible de représenter le mouvement mensuel des mariage par leurs nombres absolus parce que tous les mois n’ont pas la même durée. Afin de comparer le poids des différents mois de l’année, il est nécessaire de remplacer les nombres absolus par des nombres proportionnels. » Scarlett Beauvalet-Boutouyrie Op.cit., p 171

 

 

[49] Beauvalet-Boutouyrie Op.cit. p 317

[50] Ibib.,

[51]29/5/1695 B.M.S 15/2/1692-22/2/1696 3NUMECRP61/EDPT493_33 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[52] 6/10/1790 B.M.S 1788-1792 3NUMECRP61/EDPT493_2 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[53] 22/12/1786 B.M.S 21/1/1786-31/12/1786 3NUMECRP61/EDPT493_43_1 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[54] 14/3/1782 B.M.S 1780-13/1/1786 3NUMECRP61/EDPT493_42 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[55] 20/6/1641 Sépultures  29/3/1640-23/4/1651 3NUMECRP61/EDPT493_18 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[56] 21/2/1696 15/2/1692-22/2/1696  3NUMECRP61/EDPT493_33 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[57] 5/3/1645 Sépultures  29/3/1640-23/4/1651 3NUMECRP61/EDPT493_18 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[58] 10/11/1789 B.M.S 1788-1792 3NUMECRP61/EDPT493_43_2 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[59] 24/5/1705 B.M.S 1702-1709 3NUMECRP61/EDPT493_35_2 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[60] 15/9/1707 1705 B.M.S 1702-1709 3NUMECRP61/EDPT493_35_2 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[61] 29/7/1759 B.M.S 1754-1759 3NUMECRP61/EDPT493_39_2 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[62] 3/7/1773 B.M.S 1772-1779 3NUMECRP61/EDPT493_41 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[63] 15/4/1695 15/2/1692-22/2/1696  3NUMECRP61/EDPT493_33 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[64] 18/10/1705 B.M.S 1702-1709 3NUMECRP61/EDPT493_35_2 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[65] 1/3/1658 B.M.S 17/10/1651-1661 3NUMECRP61/EDPT493_19 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[66] 28/5/1649 Sépultures  29/3/1640-23/4/1651 3NUMECRP61/EDPT493_18 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[67] 6/2/1643 Sépultures  29/3/1640-23/4/1651 3NUMECRP61/EDPT493_18 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[68] 19/1/1699 B.MS 22/2/1696-1699 3NUMECRP61/EDPT493_34 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[69] 30/6/1642 29/3/1640-23/4/1651 3NUMECRP61/EDPT493_18 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[70]24/2/1645Sépultures  29/3/1640-23/4/1651 3NUMECRP61/EDPT493_18 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[71] 29/1/1777 B.M.S  1772-1779 3NUMECRP61/EDPT493_41 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[72] 3/11/1666 Sépultures  1/3/1666-1668 3NUMECRP61/EDPT493_21 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[73] 3/12/1786 B.M.S 21/1/1786-31/12/1786 3NUMECRP61/EDPT493_43_1 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[74] 11/1/1662 Sépultures  1/1/1662- 1665 3NUMECRP61/EDPT493_20 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[75]3/12/1786 B.M.S 21/1/1786-31/12/1786 3NUMECRP61/EDPT493_43_1 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[76] 23/7/1693 B.M.S 15/2/1692-22/2/1696  3NUMECRP61/EDPT493_33 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[77] 7/12/1658 B.M.S 17/10/1651-1661 3NUMECRP61/EDPT493_19 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[78] 25/10/1748 B.M.S 1780-13/1/1786 3NUMECRP61/EDPT493_42 A.D ORNE http://archives.orne.fr

[79] 2/2/1661 B.M.S 17/10/1651-1661 3NUMECRP61/EDPT493_19 A.D ORNE http://archives.orne.fr

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Bretoncelles : une paroisse du Perche du XVII au début du XIX siècle.
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