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Bretoncelles : une paroisse du Perche du XVII au début du XIX siècle.
28 octobre 2017

La vente des biens bretoncellois d’Etienne François d’Aligre à La Révolution française

La vente des possessions d’Etienne François d’Aligre, dernier seigneur de Bretoncelles s’inscrit dans le vaste mouvement de transfert de propriété foncière que la Révolution française a connu sous le nom de vente des biens nationaux. Comment s’est effectuée cette vente ? Qui ont été les acheteurs et pour quel montant ? Le souhait des législateurs de voir ces ventes profiter aux ruraux modestes a-t-il été suivi d’effet ?  Telles sont quelques-unes des questions qui nous ont préoccupé. Préalablement nous retracerons rapidement le contexte général de ce qu’un historien a qualifié comme « l'événement le plus important de la Révolution»[1]

Le vente des biens nationaux : généralités.

Cette vente qui a interpellé les historiens spécialistes de la Révolution française a donné lieu à de nombreux débats en particulier sur les raisons  politiques qui l’ont justifiée, le bénéfice pour l’Etat, sur les groupes sociaux qui en ont profité et sur l’ampleur du transfert. Comme souvent, pour les deux dernières interrogations, les réponses que l’on peut apporter varient suivant la situation locale. Deux grands objectifs étaient visés par les législateurs en charge des destinées de la Nation : procurer les ressources nécessaires au fonctionnement d’un Etat  en difficulté financière et faire profiter les paysans les plus modestes de ces ventes  afin de créer une nation de petits propriétaires. Ce deuxième objectif, qu’il nous ait possible d’aborder à travers le bilan de la vente des biens d’Etienne François d’Aligre, connut des fluctuations dans son application au gré des évènements politiques qui jalonnent la période. Le 27 juillet 1792  le décret actant le principe de la vente des biens des émigrés est promulgué par la Législative.[2] Si le principe du morcellement est entériné le 14 août de la même année, les modalités d’application vont faire l’objet de plusieurs versions au gré des luttes opposant les différents groupes politiques. Dans son article, « La vente des biens nationaux et la question agraire, aspects législatifs et politiques, 1789-1795 », Éric Teyssierdonne en annexe une « chronologie simplifiée de la législation des biens nationaux » à laquelle  nous renvoyons.[3] En définitif, après de nombreux débats, « La loi du 22 novembre 1793 permet enfin de commencer réellement la vente des biens de seconde origine en les morcelant autant que possible et en procédant à des ventes aux enchères au chef-lieu du district comme en 1790. Ainsi, après plus d'un an de débats acharnés et de décrets contradictoires, les mesures agraires en faveur des paysans sans terre se trouvent réduites à seulement deux concessions. La division des domaines et l'attribution de bons de 500 livres que l'inflation amoindrit chaque jour. » [4] Attardons  sur l’attribution de ces bons de 500 livres. Il avait été décidé dans une version antérieure pour favoriser l’accès à la propriété  des plus modestes « tout chef de famille possédant moins d'un arpent de terre doit recevoir une parcelle d'un arpent contre une rente de 5% du prix du bien. » [5] Cette décision fut remplacée par l’octroi, sous conditions, « d'un bon de 500 livres remboursable en vingt ans, sans intérêt, attribué aux indigents qui peuvent ensuite tenter leur chance aux enchères » [6] De fait pour que les ruraux les plus modestes puissent acheter les biens mis en vente, il fallait que le lotissement propose suffisamment de parcelles dont le prix n’allait pas au delà de 500 livres. Cette tâche revenait aux commissaires nommés par le district.

Les biens mis en vente.

 Il convient tout d’abord de rappeler quels sont les biens proposés à la vente. Un descriptif en a été donné dans l’article « Les possessions bretoncelloises d’Etienne François d’Aligre, dernier seigneur de Bretoncelles à  la veille de la Révolution française. » sur ce blog. Il s’agit tout d’abord de sept exploitations agricoles de taille variable : Cumont, Launay, La Rue, Saussay, Haut Plessis, Le Mont et  Thivaux (dépendant du moulin homonyme). A cela s’ajoutaient deux moulins Thivaux et Arrondeau, des parcelles de terre isolées à savoir les terres bretoncelloises des fermes des Granges et Verillé situées sur la commune de Condé-sur-Huisne, les près rattachés au logis de Bretoncelles et les bâtiments composant ce dernier. L’ensemble des terres représentait une superficie de 456 arpents se décomposant pour l’essentiel en  300 arpents de terres cultivables, 65,7 % (198 ha), 122,45 arpents de prés et herbages, 26,8 % (80,75 ha), 12 arpents de bois en taillis (4,5 ha) soit un total de 278 hectares pour les terres cultivables et les prés. auxquelles s’ajoutaient plusieurs maisons manables et bâtiments d’exploitation. Le tout était estimé par les commissaires à la somme de 194 216 livres.

Le déroulement des opérations de vente.

 Les  commissaires[7]

Notre travail s’appuie sur les procès verbaux d’estimation et de morcellement [8] effectués par cinq commissaires à savoir Nicolas Menard, Charles Tremier de Coulonges-les-Sablons, Jacques Garreau, Jacques Palu de Bretoncelles et Emmanuel Touroude de St Gauburge. Ils officient en exécution d’une commission en date du 6 brumaire an 2 (27/10/1793) du directoire du district de Bellême. Accompagnés des officiers municipaux, ils se rendent sur les biens concernés afin d’envisager s’ils sont susceptibles d’être divisés. Ils décrivent les biens, les localisent, indiquent leurs valeurs et la composition des lots relevant du morcellement. A l’issue de ces opérations, des affiches sont réalisées pour porter à la connaissance du public, la nature et le prix des biens mis aux enchères.

 Le morcellement.

Conformément aux décisions du législateur, les commissaires devaient  proposer à la vente des parcelles pouvant être acquises par des paysans de condition modeste. Il fut donc décidé pour certaines exploitations de retrancher des parcelles de terre pour les vendre séparément en évitant sans doute de porter atteinte à leur viabilité économique. Les exploitations du Mont (16 arpents)[9] et de Saussay (58 arpents) furent vendues dans leur intégralité. La ferme de Thivaux fut mise aux enchères avec le moulin du même nom ainsi que le moulin d’Arrondeau. Les parcelles des fermes des Granges et Verillé et les 10 pièces associées au logis de Bretoncelles formèrent autant de lots.

C’est le bordage de la Rue qui connut le plus grand démantèlement. On créa un premier lot comportant une maison manable, plusieurs bâtiments d’exploitation et 39 arpents. Le second se composait  de deux granges, d’une chartrie et de 29,5 arpents. Enfin 21,5 arpents en 11 lots furent mis aux enchères. On retrancha de la ferme de Cumont 39,4 arpents représentant 20 lots ainsi que 33,6 arpents en 23 lots  à Launay. Enfin, l’exploitation du Haut Plessis de taille moindre se vit amputée de 2,6 arpents de prés en 5 parcelles.

Le tableau ci-dessous récapitule les choix des commissaires.

 

Sans titre

Au total, 77 parcelles indépendantes furent proposées à la vente. 59 venaient d’exploitations en partie morcelées représentant 145 ,6 arpents soit 31,1 % des terres d’Etienne François d’Aligre.  Avant de s’intéresser à la taille et au prix demandés pour ces différents lots, deux faits sont à rapporter.

L’attitude du maire de Bretoncelles.

Il s’agit tout d’abord de l’attitude de Julien Dougere, maire de la commune. Chaque procès verbal d’estimation et d’éventuelles divisions était établi par  les commissaires nommés par le directoire du district de Bellême accompagnés d’officiers municipaux. Dans certains cas, au moins dans un premier temps, le maire   refusa de signer certains procès verbaux. [11] Cette position interpelle, était-il opposé au démantèlement des grosses exploitations, ce qui politiquement était risqué ou alors estimait-il que le morcellement n’allait pas assez loin ne proposant pas suffisamment de parcelles de petites tailles permettant aux citoyens les plus modestes d’accéder à la propriété ? [12] Notons qu’il ne valida pas non plus la première version du lotissement de la terre de La Rue qui allait beaucoup plus loin que celui finalement retenu et que nous allons maintenant aborder.

 Le morcellement des fermes de La Rue  et de Launay : des intentions non concrétisées.

Nous possédons deux versions du morcellement de cette exploitation, toutes deux datées du 23 pluviôse an2 (11/2/1794) [13] et jours suivants, elles portent toutes les deux sur les mêmes parcelles détachées de la ferme d’origine. C’est donc sur la façon de morceler ces champs que l’on trouve les différences que nous allons présenter dans un tableau pour plus de clarté.

Sans titre 1

 

Dans le partage envisagé, on obtenait 24 lots d ‘une superficie moyenne d’environ un arpent contre 2 dans celui retenu. Les superficies allaient de0,5 à 2 arpents contre de 1 à 4. Enfin, on obtenait 10 parcelles de 0,5 arpent et 11 de 1 arpent contre 5. On ignore pourquoi la version proposant le plus grand morcellement ne fut pas retenue. On constate que les parcelles détachées des exploitations  ne furent pas redécoupées même lorsqu’elles étaient de taille conséquente comme le Grand pré de Bretoncelles mesurant 19 arpents. [15] Les petites parcelles l’étaient semble-t-il déjà dans leur ferme  d’origine. Pouvaient-on aller plus loin dans le lotissement ? Le choix de ne pas retenir la première version du lotissement de La Rue semble indiquer que les commissaires ont voulu éviter un morcellement encore plus important que celui qui existait déjà conséquence des partages successoraux ? Laboureurs voire acheteurs potentiels, ils savaient aussi que seuls des champs de taille raisonnable permettaient une exploitation rentable. Partager en plusieurs lots les 19 arpents du Grand pré était sûrement un non sens à leurs yeux. Peut-être estimaient-ils aussi qu’il y avait suffisamment de parcelles de petite taille proposées aux enchères. Néanmoins une autre piste peut aussi être envisagée. Il s’agit du cas de la ferme de Launay. Le 8 ventôse an 2 (27/2/1794), [16]les commissaires établirent une première version du morcellement. Il prévoyait de partager la pièce de la Bardoue de six arpents en deux, le pré des Courtienard  de deux arpents en deux, le champ des Laisse de trois arpents en trois et une pièce en friches et labours de deux arpents en deux formant ainsi 28 lots au lieux des 23 qui seront finalement retenus. Le document leur fut retourné car les commissaires n’avaient pas formé les lots selon la forme requise par le district. Un document du 30 vendémiaire an 3 (21/10/1794) [17]nous apporte semble-t-il une réponse. Il s’agit du procès verbal de la ferme de Launay. La première partie concerne la ferme et la seconde le morcellement tel qu’il était conçu à l’origine, cette fois les lots sont numérotés mais la rédaction est inchangée. Sur la première page, on peut lire : « Faire expliquer les experts sur les divisions »  injonction venant du district de Bellême. On constate aussi que toutes les phrases en rapport avec les divisions des quatre parcelles  indiquées précédemment sont rayées rétablissant ces dernières dans leur intégralité. Ces modifications ont-elles été faites par le district ou par un des commissaires en vue de rédiger une nouvelle version, nous l’ignorons. Une chose est sûre dans le cas de Launay, le district est intervenu pour limiter le morcellement. En a-t-il été de même pour La Rue ? Outre qu’il nous manque peut-être des documents, nous ignorons tout des échanges informels oraux ou écrits ayant sûrement existés entre les commissaires et le directoire du district.

Taille des parcelles proposées aux enchères.

Pour que les paysans modestes puissent éventuellement se porter acquéreurs de biens nationaux encore fallait-il que les parcelles proposées soient de taille raisonnable, n’excédant pas  les possibilités financières de ces derniers. Et encore cette remarque n’est valable que pour les terres labourables, les prix des près même petits étant beaucoup moins accessibles. Le graphique ci-dessous donne la répartition des 77 parcelles selon leur superficie Les parcelles de moins d’un demi arpent soit 3 300 m2 représentaient 9 % des pièces loties. En reculant le curseur à moins d’un arpent, on arrive à 40 %, si l’on intègre celles d’un arpent soit 0,65 hectare, on obtient 48 champs, représentant 62,3 % des biens proposés. Si la portion de petites superficies paraît satisfaisante par rapport au nombre proposé, il convient maintenant de se pencher sur les prix de mise en vente.

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Prix initial de vente des parcelles proposées aux enchères.

Les prix de départ étaient-ils de nature à permettre aux paysans les plus modestes d’espérer pourvoir se porter acquéreur de certains biens proposés ? Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, les parcelles proposées aux enchères pour moins de 150 livres étaient au nombre de 18 soit 23,3 %, elles sont 45 si l’on pousse le curseur à 300 livres. Enfin, en prenant comme limite les 500 livres du bon prévu par la loi, on arrive à 71,4 % des 77 parcelles.

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Prix atteint par les parcelles proposées aux enchères.

Les parcelles ayant atteint un prix de moins de 500 livres sont au nombre de 14 soit 18,1 %.  33 parcelles furent acquises pour moins de 1 000 livres soit 42,8 % des 77 mises aux enchères.   

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Si un nombre appréciable de petites parcelles à des prix de départ abordables furent proposées cela ne fut cependant pas suffisant, nous le verrons, pour permettre à des paysans modestes de se porter acquéreurs. Le choix de procéder à des enchères, de plus au chef lieu de district Bellême, va considérablement compliquer les conditions d’acquisition pour ces derniers. Les enchérissements successifs vont rapidement porter les prix d’acquisition à des nivaux hors de portée des plus démunis.[18]

L’ensemble des 77 lots mis à prix pour un montant de 58 470 livres atteignit, à l’issue des enchères, la somme de 437 475 livres soit 7,4 fois plus. En moyenne, les prix atteints lors des enchères sont 6,8  fois plus importants que le prix de départ  fixé par les commissaires.  Le record est détenu par la pièce du Crochet, détachée de la ferme de Launay, pour un prix de 400 livres elle est adjugée : 15 025 livres soit 37,6 fois la somme demandée. On constate que les plus forts coefficients multiplicateurs concernent les pièces issues de la ferme de Launay pratiquement toutes acquises par Charles François Denis Chaucerel l’aîné, receveur de l’enregistrement ainsi que  les près associés au logis de Bretoncelles achetés par Jean-Baptiste Texier, notaire, tous deux de Courville. Ces deux acheteurs n’hésitèrent pas à porter les enchères à des niveaux très élevés même pour des parcelles de petites tailles. Ainsi, le Clos de la Donette de 20 perches mise à prix pour 100 L est enlevé par Texier pour 2 400 soit 24 fois plus. Le même récupère la pépinière de peupliers de 40 perches estimée à 1 000 livres pour 12 000 L soit un coefficient de 12. Le bois de la Voye de 25 perches passe de 30 à 705 livres (23,5 fois), un clos de 30 perches de 240 à 3 025 livres (12,6), ces deux parcelles raflées par Chaucerel. Des parcelles plus importantes en superficie connaissent aussi des coefficients multiplicateurs conséquents  mais plus en rapport avec leur taille. Les près neuf et des grains d’un seul tenant passe de 8 000 à 100 100 livres 12,5 fois plus. Quant au grand pré de Bretoncelles de 19 arpents, il passe de 18 000 à 120 000 livres soit 6,7 fois, ces deux parcelles furent récupérées par Texier.  Il convient de remarquer que les prix de départ de ces deux pièces éliminaient d’entrée de nombreux acheteurs.

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Le choix de procéder à des enchères favorisait la hausse des prix. Ce choix s’explique par l’obligation qu’avait le gouvernement de trouver l’argent nécessaire au fonctionnement de l’Etat et à l’effort de guerre. Une autre explication semble être la volonté des deux  principaux acteurs des enchères Chaucerel et Verdier de reconstituer des ensembles morcelés, nous y reviendrons. Ce désir trouva des conditions favorables grâce aux modalités de paiement comme nous allons le voir. Enfin, la dépréciation de l’assignat fit que les montants devant être payés furent nettement moins conséquents.

 

Enchères et  conditions de paiement.

Les renseignements qui suivent, proviennent du procès verbal de la vente de la ferme de Cumont. [19]Les enchères se tenaient dans la salle d’audience du tribunal de Bellême en présence d’un représentant du conseil municipal de la commune concernée. Lors de la vente de la ferme de Cumont, il s’agissait de Louis Veillard, notable. Toute personne voulant y participer devait justifier de son inscription sur les rôles des contributions ou à défaut déposer une caution égale au dixième du prix d’estimation. (1160 livres pour Cumont). Les enchérissements étaient de minimum 5 livres pour un lot de plus de 100 livres, de 25  au dessus de mille et 100 pour un bien mis en vente à plus de 10 000 livres. La vente se faisait à la bougie Dans le cas de Cumont, la ferme fut adjugée lors du dix- septième feu. A l’issue des enchères, l’acquéreur devait régler dans les huit jours les frais liés à la vente.[20] Pour Cumont, il se montait à 78 livres 10 sols. Un mois après, il devait régler le dixième du prix total sans intérêt puis  chaque année, le même montant augmenté d’un intérêt de 5 % sur le capital restant. De fait le paiement s’étalait sur dix ans ce qui avec l’inflation galopante qui perdura pendant de nombreuses années, il n’avait pas échappé à certains acquéreurs qu’il s’agissait là d’opérations très rentables.

Les acheteurs.

Les premiers soumissionnaires.

La vente des biens nationaux a suscité beaucoup d’intérêt  parmi les populations rurales. Les archives consultées renferment plusieurs propositions de bretoncellois intéressés par l’achat de ces biens. Toutes ces soumissions furent rédigées sur le même modèle, voire peut-être par la même main devant les administrateurs du district à Bellême aux alentours du 20 octobre 1792 à l’exception d’une en date du 11. Il est fort probable qu’il y en eut d’autres, en effet deux candidats font référence à des biens déjà soumis, par eux ou d’autres, nous l’ignorons. [21]

Nous possédons cinq propositions d’acquisition. René Cottereau, bordager à la Houberdière souhaitait acquérir des bâtiments servant d’écurie à vaches et dix arpents de terres cultivables en plusieurs pièces relevant de la ferme de Cumont. Louis Rousseau, tisserand se positionnait plus modestement sur deux parcelles de 0,5 arpents chacune et deux clos de deux et quatre perches dont il occupait la première comme jardin. Noël Allard, meunier à Haute Planche était intéressé par 17 arpents de terre dont une pièce de dix arpents appartenant à la ferme de Launay. Venaient ensuite trois bretoncellois s’appelant tous trois Jean Leroy, le premier tisserand portait son choix sur tous les bâtiments de Saussay à l’exception de la maison manable ainsi que 33 arpents de terre. Le second homonyme, bordager de son état soumissionnait huit arpents en trois lots dont deux venaient de la métairie de La Rue et une de Haut Plessis à cela il ajoutait le magasin faisant partie du logis de Bretoncelles et une grange. Enfin le troisième Jean Leroy, charpentier postulait pour une maison manable et son jardin ainsi que 4,5 arpents de terre. Ces démarches eurent lieu après le décret du 27 juillet 1792 adoptant les principes de la vente des biens des émigrés et l’adoption le 2 septembre de la même année.  Un peu plus d’un mois après ces soumissions, le décret du 11 novembre suspendait  la vente.

Ces propositions d’acquisitions sont le reflet du désir d’accéder à la propriété foncière et de l’espoir que suscita la vente des biens nationaux. Nous avons là deux tisserands, un charpentier, deux bordagers, ils firent le déplacement avec d’autres ? à Bellême pour pensaient-ils profiter de ce grand transfert de terre qu’annonçait la vente des biens des émigrés. On peut regretter au passage de ne pas connaître le nom et le statut des enchérisseurs lors des ventes des lots issus du morcelage, en particulier pour les petites parcelles. Cela serait un moyen de mesurer cet engouement, à moins que le mode de vente choisi ait découragé les postulants les moins aisés. Nous connaissons les montants des impositions  en 1790 pour trois d’entre-eux, Noël Allard, le meunier tranche avec 100 livres puis vient Jean Leroy, bordager avec 7,5 livres, René cottereau, bordager avec 3,7, Louis Rousseau s’étant acquitté de 1,2 livres.[22] Nos cinq soumissionnaires tentèrent-ils leur chance lors des différentes enchères à Bellême, nous l’ignorons. Aucun d’eux ne figure dans la liste des acheteurs, il faut dire que Noël Aulard  compris, ils ne pesaient pas bien lourd en face de Chaucerel ou Texier.

 

La vente des biens de d’Etienne François d’Aligre : bilan

 Les 85 lots proposés à la vente entre le 21 prairial an 3 (9/6/1795) et le 18 fructidor an 3 (4/9/1795)[23] furent acquis par 32 acheteurs différents, 13 achats firent l’objet d’une association de deux acquéreurs. Parmi eux, on relève douze marchands, neuf cultivateurs, trois aubergistes. Viennent ensuite avec un représentant les professions suivantes : receveur de l’enregistrement, notaire, boulanger, médecin, maréchal, gendarme national. Nous ignorons le statut de deux d’entre-eux. Treize acheteurs sont originaires de Bellême, huit de Bretoncelles, quatre de Condé-sur-Huisne, trois de Coulonges-les-Sablons, deux de Courville-sur-Eure, un de Longny et un de Dorceau. Notons que l’on ne trouve pas d’habitants de La Loupe ni de Nogent-le-Rotrou ce qui ne veut pas dire qu’ils furent absents des enchères.

Des opérations de reconstitution d’exploitation.

Si des exploitations firent l’objet d’un morcellement, certains acheteurs abordèrent les enchères dans une optique bien précise : reconstituer des ensembles démantelés. C’est ainsi que Charles Tremier, administrateur du district et Nicolas Ménard tous deux cultivateurs, de Bellême mais aussi commissaires ayant procédé aux estimations et morcellement firent l’acquisition ensemble des deux lots formés à partir de la ferme de La Rue ainsi que deux autres parcelles reconstituant en grande partie l’exploitation d’origine. Charles François Denis Chaucerel aîné, receveur de l’enregistrement à Courville acheta la ferme de Launay et à l’exception de deux, toutes les parcelles détachées de l’exploitation d’origine. Jean-Baptiste Texier quant à lui s’employa à reconstituer l’ensemble des biens dépendant du logis de Bretoncelles, à savoir le logis et les bâtiments annexes, les près et la ferme de Saussay. A un niveau plus modeste, au vue de la taille de l’exploitation, Jacques Salmon, cultivateur de Coulonges-les-Sablons se porta acquéreur de la métairie du Haut-Plessis avec trois des cinq parcelles détachées. Nous ignorons s’il se porta aussi acquéreur des parcelles de cette exploitation se trouvant sur la commune de Coulonges-les-Sablons. En tout cas, il devenait propriétaire de cette exploitation dont il était le fermier par un bail signé en 1785.

Néanmoins, toutes les grandes exploitations ne furent pas reconstituées. Si la ferme de Cumont fut enlevée par Louis Charles Beaufour, gendarme national de Bellême, les parcelles détachées furent achetées par plusieurs personnes. Faut-il y voir un manque de surface financière ou que ce n’était tout simplement pas son objectif ?  Nous n ‘allons pas détailler toutes les transactions, nous penchant seulement sur celles concernant les bretoncellois.

Les acheteurs bretoncellois. 

Ils sont au nombre de huit, trois étaient cultivateurs, quatre marchands et un maréchal. Il totalise 19 achats soit 22,3 % pour une superficie de 35 arpents (9,1%) et un montant de 19 995 livres représentant 2,6 % des sommes engagées lors des enchères. Les dix-neuf lots se décomposent de la façon suivante : huit font moins de 2 arpents, 3 de moins de 3, cinq atteignent les 3 arpents et un les 4. Seules quatre  parcelles avaient un prix de départ supérieur à 500 livres, 9 se situant entre 200 et 500 livres. Le prix maximum atteint par un achat bretoncellois est de  2 725 livres par Pierre Foucher, marchand. Dix des lots acquis font moins de 1 000 livres, 6 moins de 1 600. Seuls deux dépassent les 2 000 livres. On touche là probablement la limite des possibilités d’investissement des bretoncellois hormis peut-être les meuniers. A moins qu’il s’agisse de réalisme et de d’une gestion prudente.

Le plus gros des acheteurs est Michel Rousseau avec neuf lots détachés de Cumont pour une superficie de 16 arpents soit 45 % des achats bretoncellois et un montant de 7 320 livres représentant 36,6 % des sommes investies.  Michel Rousseau, fermier sortant de Cumont, fait partie avec 100 livres d’impôts  des principaux contribuables de Bretoncelles en 1790.[24] Il achète des terres qu’il connaît bien, a-t-il eu des velléités d’acquérir la ferme de Cumont, nous l’ignorons.  Louis Veillard, cultivateur se porte sur le pré Pilliard  ou Marquis, détaché de Cumont, d’un arpent pour un montant de 1 200 livres soit quatre fois le prix de départ. Deux autres parcelles dépendant aussi de Cumont de 1,2 arpent et 20 perches sont acquises par François Toutry, maréchal. Il s’agit probablement d’un acheteur modeste payant 1,2 livres de contributions en 1790.[25] Citons encore René Vallé, cultivateur achetant 20 perches de pré pour 525 livres et Claude Blondeau un arpent de labours venant de La Rue pour 800 livres. [26]

Des achats en association.

Si René Foucher achète seul trois arpents pour 2 725 livres, il réalise ses quatre autres acquisitions en association une fois avec René Vallé déjà évoqué et trois fois avec  Pierre Renault, cultivateur.[27] Ce dernier s’associe avec René Macé pour préempter trois arpents pour un montant de 1 730 livres. Ces différents achats concernent les parcelles détachées de La Rue.

Jean-Baptiste Texier et Charles François Denis Chaucerel aîné : spéculateurs, prête-noms ? 

Ces deux personnages furent les principaux acteurs des enchères organisées pour la vente des biens nationaux bretoncellois d’Etienne François d’Aligre et peut-être d’ailleurs pour d’autres. Jean-Baptiste Texier se porta acquéreur de 90 arpents de terre soit 23,4 % de la superficie mise en vente, les bâtiments de la ferme de Saussay mais aussi du logis de Bretoncelles et de ses annexes comme nous l’avons décrit précédemment. L’ensemble de ses acquisitions s’éleva à la somme de 424 100 livres soit 54,7 %  des sommes investies par l’ensemble des acheteurs. Charles François Denis Chaucerel aîné quant à lui acheta 87 arpents de terre (22,7 %), et les constructions de la ferme Launay pour un montant de 183 760 livres (23,7 %). A eux deux, ils devinrent propriétaires de 46,1 % des terres et réglèrent 78,4 % du montant des enchères. [28] Rappelons cependant que ces sommes n’était pas exigibles de suite, seules un dixième des sommes devaient être réglées un mois après les enchères soit 42 410 livres pour Texier.

Une question s’impose quelles étaient les motivations de ces deux acheteurs qui rappelons-le habitaient Courville ?

Deux options sont envisageables. La première pourrait être des achats spéculatifs.[29] Nos deux personnages ayant comme objectif de revendre soit en totalité ou  par lots les biens acquis soit à leur ancien propriétaire ou à d’autres. Ses biens achetés avec une monnaie dépréciée et revendus lorsque la situation monétaire serait favorable permettant des bénéfices conséquents. L’autre possibilité étant l’achat comme prête-nom. Si nous n’avons pas d’éléments en notre possession pour Charles François Denis Chaucerel aîné, cette possibilité peut être envisagée pour Jean-Baptiste Texier. Un document du 5 messidor an 8 (24/6/1800) l’accrédite. Il s’agit de la vente d’herbe concernant des près bretoncellois,[30] effectuée au logis communal de Bretoncelles par Me Charpentier, notaire de Moutiers-au-Perche à la requête de François Marie Didier Texier demeurant à Courville pour le compte du citoyen Jean-François Charles d’Aligre propriétaire demeurant à Paris.[31] On peut légitimement penser qu’un lien de parenté (fils/père ?) existait entre François Marie Didier Texier et Jean-Baptiste Texier principal acheteur des biens bretoncellois d’Etienne François d’Aligre.  François Marie Didier Texier agissait comme régisseur, c’est lui qui devait encaisser l’argent de la vente. Quant à  Jean-François Charles d’Aligre, il s’agit tout simplement du fils du dernier seigneur de Bretoncelles.  Revenu d’exil après le décès de son père en 1798, il est acquis qu’il récupéra l’important héritage de son père. Le document spécifie bien que le propriétaire des prés est le citoyen d’Aligre. Les noms des champs figurant dans l’acte correspondent à des parcelles achetées par Jean-Baptiste Texier.[32]

Il est fort probable que les acquisitions réalisées par Jean-Baptiste Texier lors de la vente des biens bretoncellois le furent à la demande et avec des fonds fournis par d’Etienne François d’Aligre.

Le cas des moulins.

Etienne François d’Aligre possédait deux moulins Arrondeau et Thivaux. Nous ignorons pour l’instant le devenir de Thivaux composé rappelons-le du moulin et d’une ferme. Le principe de la vente à Louis Tomblaine, meunier bretoncellois du moulin d’Arrondeau fut acté le premier thermidor an 4 (19/7/1796) pour la somme de 36 548 francs par l’administration du département de l’Orne.[33]

 Conclusion

Cette étude permet de montrer à travers le devenir des possessions bretoncelloises d’Etienne François d’Aligre un exemple de vente de biens nationaux à l’échelon administratif le plus petit : la commune. Si les biens mis en vente étaient conséquents, à l’échelon de la paroisse, force est de constater que le transfert de propriété échappa aux bretoncellois les plus modestes mais aussi les plus aisés. Faut-il l’imputer au  cadre législatif et à une volonté politique pas assez ferme de la part de la Convention. [34] Doit-on reprocher aux autorités locales[35] de ne pas avoir poussée le lotissement assez loin, privilégiant la viabilité des exploitations ? On peut aussi s’interroger sur le manque de surface financière des bretoncellois incapables de suivre lorsque les enchères montaient. La réalité se trouve probablement au carrefour de ces différentes raisons. Des recherches plus approfondies, seraient utiles, notamment en élargissant la focale aux communes limitrophes.

Au terme de cet exposé, une question demeure en suspend, que sont devenus ces différents biens dans les années qui ont suivies leur vente ? Si l’hypothèse que certains  achats furent réalisés par des intermédiaires semble plausible alors qui furent les réels bénéficiaires de ces ventes ? Voilà une recherche qui serait intéressante à mener.



[1] Georges Lecarpentier La vente des biens ecclésiastiques pendant la Révolution Française, Paris, Alcan, 1908.

[2] Il sera suspendu le 11 novembre 1792.

[3] Éric Teyssier, « La vente des biens nationaux et la question agraire, aspects législatifs et politiques, 1789-1795 », Rives nord-méditerranéennes [En ligne], 5 | 2000, mis en ligne le 26 mars 2004, consulté le 12 octobre 2017. URL : http://rives.revues.org/100 ; DOI : 10.4000/rives.100

[4] Éric Teyssier Op.cit.,

[5] Idib.,

[6] Idib.,

[7] Nous reprenons la présentation faite dans l’article Les possessions bretoncelloises d’Etienne François d’Aligre, dernier seigneur de Bretoncelles à  la veille de la Révolution française. 

[8] Biens des émigrés, des condamnés, des prêtres déportés et reclus : correspondance, soumissions d’acquérir, procès verbaux d’estimation, contrats de vente. 1792-1815 1 Q 947 A.D.O

[9] Mise à prix 2 689 livres, on ignore qui se porta acquéreur.

[10] Etabli à partir de Biens des émigrés, des condamnés, des prêtres déportés et reclus : correspondance, soumissions d’acquérir, procès verbaux d’estimation, contrats de vente. 1792-1815 1 Q 947 A.D.O

[11] Launay 7 et 8 ventôse an 2 (26 -27 février1794). La Rue 20 pluviôse an 2 (8/2/1794) 1 Q 947 A.D.O

[12] Il n’est pas évident de saisir une ligne de conduite en se basant sur les acceptations ou refus. Il refuse de signer les deux procès verbaux (7 et 8 ventôse an 2 (26 -27 février1794) concernant la ferme de Launay mais sa signature figure au bas d’un autre document envoyé au district qui reprend sans changement les choix qu’il a refusés préalablement de cautionner (30 vendémiaire an 2 21/10/1794). 1 Q 947 A.D.O

[13] Les deux documents portant les mêmes dates cela ne facilite pas la compréhension des faits. Les mêmes huit signatures figurent au bas de chaque document. 1 Q 947 A.D.O

[14] Etabli à partir de Biens des émigrés, des condamnés, des prêtres déportés et reclus : correspondance, soumissions d’acquérir, procès verbaux d’estimation, contrats de vente. 1792-1815 1 Q 947 A.D.O

[15] A l’exception de la pièce Boulard de la ferme de Cumont faisant initialement 7 arpents partagés en 2 lots de 3 et 4. 30 germinal an 2 (19/4/1794) 1 Q 947 A.D.O

[16] 8 ventôse an 2 (27/2/1794) 1 Q 947 A.D.O

[17] 30 vendémiaire an 3 (21/10/1794) 1 Q 947 A.D.O

[18] Nous ignorons si des bretoncellois bénéficièrent des bons de 500 livres prévus par la loi. Mais même dans ce cas, ils ne leur furent pas forcément très utiles car ces bons perdirent très vite de leur valeur avec la dépréciation de l’assignat.

[19] 18 thermidor an 2 (5/8/1794) 1 Q 947 A.D.O

[20] Ces frais portent sur les procédures de division, d’estimation, la réalisation des affiches et autres.

[21] Noël Aulard intéressé par le surplus de six arpents du pré neuf indique que 2 arpents sont déjà préemptés. Jean Leroy  porte son dévolu sur tous les bâtiments de Saussay à l’exclusion de la maison manable déjà soumissionnée. 20/10/1792. 1 Q 947 A.D.O

[22] C 1289 A.D.O

[23] Les moulins d’ Arrondeau et de  Thivaux avec la ferme homonyme ne furent pas concernés par ces ventes.

[24] C 1289 A.D.O

[25] C 1289 A.D.O

[26] Concernant Claude Blondeau noté marchand, le rôle des contributions de 1790 fait état d’un Claude Blondeau, foulon imposé à 30 livres 4 sols   et d’un Jacques Blondeau, laboureur payant 90 livres. S’agit-il de l’un des deux ? C 1289 A.D.O

[27] Il est imposé en 1790 à la hauteur de 68 livres. C 1289 A.D.O

[28] Vient ensuite l’association Tremier/Ménard avec 71 arpents  (18,5 %) et les bâtiments de La Rue pour 54 400 livres soit 7 % des sommes engagés.

[29] Le phénomène a été signalé par les historiens, Bernard Bodinier le signale dans Bodinier Bernard. La vente des biens nationaux : essai de synthèse. In: Annales historiques de la Révolution française, n°315, 1999. Paysanneries et communautés villageoises de l'Europe du Nord-Ouest. pp. 7-19; doi : 10.3406/ahrf.1999.2219 http://www.persee.fr/doc/ahrf_0003-4436_1999_num_315_1_2219

[30] La vente portait sur près de 11 arpents, elle rapporta 2 580 francs. Parmi les acheteurs figurent les meuniers Louis Tomblaine (Arrondeau) et Claude Sagot (Courvoisier)

[31] Extrait du registre des déclarations de ventes mobiliaires du bureau de Rémalard 3 messidor an 8 (22/6/1800) 4 E 184/357 A.D.O

[32] Pré neuf et des grains, Maintenon, Crochet.

[33] Louis Tomblaine avait effectué sa soumission le 9 messidor an 4 (28/5/1796), elle fut suivie d’une expertise le 23 du même mois. 1 Q 947 A.D.O

[34] Éric Teyssier note que les députés ne proposèrent jamais une véritable redistribution des terres. Il y voit deux raisons la première « provient de la guerre intérieure et extérieure qu'ils doivent soutenir sur tous les fronts. Le seul moyen de la financer demeure les assignats, et la vente des biens des émigrés constitue l'unique gage tangible de cette monnaie entre 1793 et 1794. Cette circonstance interdisait donc de donner gratuitement la terre aux paysans. » La seconde « est lié à l'obsession du ravitaillement des villes et en premier lieu de Paris. Or beaucoup de défenseurs des sans-culottes hésitent à trop favoriser le petit propriétaire auto-suffisant au détriment des grandes exploitations. Ces dernières produisant les excédents vendus sur les marchés urbains, leur disparition risquerait d'entraîner la famine dans les villes qui constituent le soutien essentiel de la Montagne. Aussi, l'intérêt des paysans qui attendaient beaucoup, et depuis 1789, des mesures agraires, a-t-il sans doute été finalement sacrifié, tant par la Constituante que par la Convention. »  Éric Teyssier Op.cit.,

[35] C’est le Directoire du district de Bellême qui supervise les opérations de lotissement. 

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